Delphine Clero a 29ans et est maître de conférence en médecine sportive et du chien d’utilité à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort. Au quotidien, Delphine Clero travaille en médecine sportive du chien de sport et d’utilité dans le service de l’Unité de la Médecine de l’Elevage et du Sport dirigée par le Dr Dominique Grandjean, directeur de course sur la Grande Odyssée Savoie Mont-Blanc. Delphine Clero suit une activité de recherche et est en thèse de 3ème cycle sur l’optimisation nutritionnelle de la performance du chien d’utilité.
Delphine, depuis quand travaille tu sur LGO ?
Je suis sur la Grande Odyssée Savoie Mont-Blanc depuis 4 ans. J’y ai participé deux fois en tant que vétérinaire avant de devenir chef vétérinaire de la course, un immense privilège mais aussi la responsabilité de la santé et du bien être des athlètes à quatres pattes.
Chef-vétérinaire c’est bien jolie mais ça veut dire quoi ?
Cette année l’équipe vétérinaire est composée de 10 personnes : 6 vétérinaires et 4 étudiants vétérinaires sélectionnés dans chacune des écoles vétérinaires françaises à la suite d’un jeu concours organisé par Mérial, sponsor de la team véto.
Selon le règlement de course : « les chiens sont sous la juridiction et les soins du Chef Vétérinaire et de son équipe depuis l’instant où ils passent l’examen de contrôle d’avant la course, jusqu’à une 1 heure après l’arrivée de la dernière étape ou l’abandon de l’attelage » (l’heure de fin étant subjective puisque notre travail se termine souvent le lendemain de l’arrivée uniquement).
Le rôle du chef vétérinaire commence avant même le départ de la course : sélectionner les membres de l’équipe, préparer le stock de médicaments ou produits de massage pour réaliser les soins quotidiens sur les chiens, s’assurer que les mushers suivent la réglementation française et le règlement de course… Cela demande déjà du temps.
Sur la course l’objectif est simple : organiser l’équipe vétérinaire afin que partout où il y ait des chiens un vétérinaire puisse être disponible immédiatement. Pour cela, les vétérinaires sont présents avant départ, au départ, sur les points de contrôle intermédiaires (« checkpoint véto »), à l’arrivée, puis sur la stake à l’arrivée. Les vétérinaires se doivent d’être présents 24h/24h pour assurer les soins nécessaires sur les chiens, et aider les mushers à prévenir l’apparition d’affections en favorisant la récupération des athlètes canins.
En dehors de ce rôle d’organisation, je participe moi-même au suivi des chiens, suivi qui se fait souvent jusque très tard le soir. Le soir est d’ailleurs un moment privilégié pour lier une relation de confiance avec les mushers et leurs handlers, un moment où la stake est calme et où l’on peut échanger avec eux sur les moyens de favoriser la récupération, leur monter les bons gestes de massage, parler alimentation… C’est aussi le moment où les petites douleurs musculaires se voient le mieux, lorsque les muscles sont froids.
A la fin de la course, j’ai aussi la responsabilité en accord avec les autres vétérinaires d’attribuer deux prix : le best-dog care, et le prix du chien le plus sympathique. Cette année encore le best dog care est revenu à Jimmy Pettersson (Suède), prix important qui reconnaît la qualité des soins attribués aux chiens aussi bien dans la préparation de la course que pendant la course. L’an dernier, le prix du chien le plus sympathique était revenue à Tempête, une siberian husky de Jean Combazard. Mais cette année, nous avons choisi une chienne de Remy Costes, Mirage, adorable et très coopérative notamment lors du contrôle antidopage réalisé par l’AFLD.
Éprouvant? Fatiguant?
Fatiguant et éprouvant physiquement oui… Les cernes sous les yeux de l’équipe vétérinaire en sont sans doute un bon témoin à la fin de la course. Faire du 24h/24h à 10 impose bien entendu des nuits courtes (en moyenne 4H). Et être chef vétérinaire est aussi une grosse responsabilité parfois stressante. Mais lorsqu’on a comme cette année une équipe de confiance autour de soi, la passion est bien plus forte que la fatigue.
De plus, nous ne sommes pas les seuls à être fatigués à la fin de la course… Mushers et handlers donnent aussi énormément pour maintenir les chiens au top niveau. Ce sont eux qui mettent en œuvre les conseils donnés. Sans eux la team vétérinaire ne pourrait pas être efficace !
On peux lire dans les règlement que toute maltraitance envers un chien sera puni d’exclusion, est ce déjà arrivé?
Les vétérinaires vérifient les conditions de logement des chiens, leur alimentation et la mise à disposition d’eau pour les chiens, et s’assurent au quotidien que les chiens sont bien-traités. Sur la piste, les pisteurs et officiels de la course circulent en motoneige et peuvent également nous remonter des informations.
Le règlement de course indique en gras que :
« AUCUN TRAITEMENT INHUMAIN OU CRUEL PAR ACTION OU MANQUE D’ACTION PROVOQUANT UNE DOULEUR OU UNE SOUFFRANCE A UN CHIEN NE SERA TOLÉRÉ LA NON-OBSERVATION DE CETTE RÉGLE ENTRAÎNERA LA DISQUALIFICATION. «
Pour le moment, cela n’est jamais arrivé. Les mushers sélectionnés ont déjà démontrés leurs qualité sur d’autres courses ou lors de la participation à un ou deux trophées de 3 jours organisés lors de la Grande Odyssée Savoie-Mont Blanc. Les mushers qui participent sont sélectionnés et conscients que pour aller loin (800km, 25000m de dénivellé), il faut d’une part « ménager sa monture », et d’autres part avoir un excellent relationnel avec ses chiens.
De quels recours disposé vous en cas de maltraitance ?
En cas de maltraitance, la sanction d’exclusion du musher est immédiate, et la décision pris en accord entre le vétérinaire chef et l’organisation de course. Etre exclut d’une course pour maltraitance, cela rends aussi l’inscription à d’autres courses impossibles. Une procédure pénale pourrait également être envisagée en cas de mauvais traitements graves.
Du coté personnel, il serait décalé de te demandé si tu aime les animaux … mais vu que nous sommes sur le site du Husky Sibérien, en possède tu un ?
J’ai un Siberian Husky avec qui je cours régulièrement, mais mon premier chien est un croisé boxer labrador qui n’a rien à voir avec un chien nordique. Les deux s’entendent pourtant très bien pour courir régulièrement.
La vie proche de Paris en appartement ne me permet malheureusement pas d’avoir plus de chiens, même si j’ai la chance de pouvoir les emmener sur mon lieu de travail.
Et niveau mushing ?
J’ai eu la chance de pouvoir pratiquer cette activité lors d’une traversée de 3 jours dans la cordillère des Andes au Chili avec Konrad Jacob, avec 8 Siberian Huskies devant moi. Une expérience très riche, mais sans la notion de compétition. Mon emploi du temps ne me permet pas de faire plus que quelques jours par an.
Depuis que tu es sur LGO, y a t’il de l’évolution sur les chiens ? Physiquement ou mentalement ?
Il est sûr que la course est de plus en plus rapide, avec des chiens très typés chasse. Mais on trouve aussi dans le top 5 des attelages plus typés pour la longue distance comme les chiens de Jean Philippe Pontier par exemple. Préparation physique et mental, nutrition, tout est adapté après chaque LGO par les mushers pour être de plus en plus performants. Prendre du recul est important pour la progression. Le mushing comme tout travail avec un chien nécessite une remise en cause et une adaptation permanente.
Nous n’avons que 2 attelages de Siberain Huskies. Celui d’Isabelle Travadon et celui de Jean Combazard.
Quels sont les pépins physiques les plus récurrent auxquels vous devez faire face ?
Le premier pépin concerne l’appareil locomoteur : tout comme les humains, les chiens peuvent être sujet aux courbatures voire contracture (crampe localisée persistante). Sur LGO, nous avons la chance que chaque musher possède un pool de 14 chiens, parmi lesquels il en choisi entre 8 et 10 tous les jours. Cela permet d’avoir chaque jour entre 4 et 6 chiens au repose, un repos de 48H avec massage, marche et étirements permettant souvent de remettre les chiens dans la compétition.
Le second pépin classique concerne l’atteinte des coussinets, plus ou moins fréquentes en fonction des conditions de neige, et la possibilité pour le musher d’avoir entraîné ses chiens sur neige ou non. « Pas de pattes, pas de chiens » donc nous veillons avec les mushers au bon état des coussinets et espaces interdigités. La pose d’un patch sur un coussinet abimé permet de remettre le chien dans le team rapidement. Mais la prévention reste fondamentale, telle que l’application de crème grasse dans les espaces interdigitées.
Le troisième type de pépin est l’apparition de diarrhée, bien connu des cyclistes de longue distance et marathoniens humains. Une diarrhée entraîne un risque de deshydratation qui diminue l’état général du chien et est à prendre au sérieux. La smectite et le psyllium distribué dans la nourriture sont une bonne prévention. Mais une diarrhée est systématiquement suivi par les vétérinaires, pour vérifier que le chien mange et boit correctement pour compenser les pertes liées à la diarrhée. L’utilisation d’une solution de Rehydration support® (Royal-Canin) nous aide beaucoup lors de déshydratation mineure.
Le mot de la fin ?
Etre vétérinaire sur une course comme celle-ci est une chance extraordinaire. Je souhaiterai simplement remercier les mushers, les handlers, les chiens qui rendent cette expérience si unique tant sur le plan professionnel que sur le plan humain.
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